Illettrisme : On parle d'illettrisme quand il y a eu apprentissage de la lecture et de l'écriture mais que cet apprentissage n'a pas conduit à leur maîtrise ou que la maîtrise en a été perdue. L'illettrisme relève donc de l'accès au sens des écrits.
Peut-on imaginer que notre président et plus encore sa plume Henri Guaino n'étaient pas capables de comprendre le sens initial, donné par le sociologue Edgard Morin, de l'expression "politique de civilisation", qu'il a créée en 1997 ?:
Pour l'original:"Tout ce qui a constitué le visage lumineux de la civilisation occidentale présente aujourd’hui un envers de plus en plus sombre. Ainsi, l’individualisme, qui est l’une des grandes conquêtes de la civilisation occidentale, s’accompagne de plus en plus de phénomènes d’atomisation, de solitude, d’égocentrisme, de dégradation des solidarités. Autre produit ambivalent de notre civilisation, la technique, qui a libéré l’homme d’énormes dépenses énergétiques pour les confier aux machines, a dans le même temps asservi la société à la logique quantitative de ces machines. Il nous faut reconnaître aujourd’hui que la civilisation industrielle, technique et scientifique crée autant de problèmes qu’elle en résout.
Lorsqu’un système donné se trouve saturé par des problèmes qu’il ne peut plus résoudre, il y a deux possibilités : soit la régression générale, soit un changement de système. Une politique de civilisation est une politique qui devrait restaurer les solidarités et les responsabilités, et qui par là-même aurait un aspect moral. Une politique de civilisation ne doit pas être hypnotisée par la croissance.(...) Il faut abandonner la recherche du toujours plus pour une recherche du toujours mieux. "
Pour le remake présidentiel : "Je veux une politique de civilisation, mettre au coeur de la politique le souci de l'intégration, de la diversité, de la justice, des droits de l'Homme, de l'environnement. >Avant, la politique c'était "tout sur la technique, rien sur l'essentiel (...) J'ai voulu remettre l'homme au coeur de la politique"
Evidemment, le terme d'illettrisme est un peu provoc de ma part ; car les deux résidents de l'Elysée sont loin d'être sots. Simplement,n'est pas fortuit le choix fait de retirer de son contexte pour l'utiliser dans un cadre différent, (celui du libéralisme affiché) une expression créée par un des grands penseurs français, (malheureusement moins lu par la Gauche, qu'il a toujours voulu inspirer et moins lu dans notre pays qu'aux USA).
La réaction d'Edgar Morin à la référence faite par le président lors de ses voeux : "nous sommes tous d'accord pour les valeurs, pour l'éthique, la solidarité. La question est de savoir quels sont les types de politiques à promouvoir pour restaurer la solidarité, la responsabilité? Tout le monde parle de justice, de liberté. Le problème, c'est quelle politique concrète ?"
Il me semble que ce choix témoigne de l'esprit assumé depuis le début par Nicolas Sarkozy, ce qui compte, c 'est l'image et pas le sens.
Chapeau l'artiste ! a-t-on envie de dire en regardant son show devant les journalistes . Au moment du passage sur l'école, le président a même imité ses prédécesseurs qui eux, face aux problèmes de l'école, lançaient: "N'en parle pas, on va avoir une manifestation!" . Comme de Gaulle en son temps, il fait rire le journaliste (souvenez vous : il ne sert à rien de sauter sur sa chaise en criant ""l'Europe, l'Europe!)video conf de presse De Gaulle sur l'Europe mais, comme le fait observer Serge Moati, interviewé par France Inter prendant la prestation du président, là où de Gaulle faisait de l'humour, Sarkozy manie l'ironie. Il fait rire le journaliste mais toujours aux dépends de quelqu'un.
Et je coupe le son.... En regardant, ce que j'aime bien faire pour prendre du recul, la conférence de presse avec les seules images, on voit apparaître le showman, entouré de spectateurs déjà séduits d'avance pou une bonne partie d'entre eux.
Et je remets le son... Combien de questions de fond posées par les journalistes ? sur l'international quelques questions, mais sur les sujets qui font la vie quotidienne de mes concitoyens, le pouvoir d'achat, la santé, le niveau de vie...
Bien sûr, il y a a eu quelques incursions importantes dans ces contenus , avec la fin évoquée des 35 heures et de la durée légale du travail, la promesse de pouvoir d'achat plus tard avec l'intéressement dans les petites entreprises ou le projet de suppression de la publicité sur les chaînes de télévision du service public (projet proposé par Michel Rocard à Mitterrand en 1990 et retoqué à l'époque par ce dernier sur les conseils de son ministre des finances) .
Mais toutes ces annonces m'ont parues noyées dans les thématiques du paraître, vie privée, transparence (ah, ce président qui se permet de faire la morale en critiquant Miterrand qui cachait sa vie intime le jour même où l'on apprend qu'il n'a pas jugé utile de nous faire savoir qu'il avait subi une petite intervention chirurgicale en fin d'année dernière !).
Depuis son accession au pouvoir Nicolas Sarkozy emplit notre album photo, en nous envoyant de belles images d'Egypte ou d'ailleurs, destinées à réjouir le bon peuple et à faire oublier la réalité qui fâche.
Mais pourtant la politique, si l'on respecte le citoyen/électeur, c'est avant tout du contenu. Et les acteurs de la vie économique, c'est à dire, vous ou moi, les cheminots,les RMistes, les avocats, les retraités, les étudiants, à mon avis, ils ont moins envie de rire à un spectacle bien léché que d'être considérés eux aussi comme de vrais acteurs, doués de la raison et de la parole.
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